Petit manuel de savoir-vivre et de linguistique germanique à l'usage des rustres Français (3)

De la Bavière


Les Bavarois sont un peuple gai et amical, dont la principale occupation est de se nourrir de bière (le mot est utilisé à dessein étant donné la richesse du breuvage), de saucisses et de Kartoffeln.

« Quoi ?! Comment ?! » N’est ce pas là ta voix outragée que j’entends à nouveau me conchier, cher lecteur ? Il y a bien longtemps que je nécoute plus tes jérémiades scandalisées, aussi je poursuis mon oeuvre d'offense...

Comme la Bavière est le Bundesland le plus grand d’Allemagne, il est divisé comme les autres Etats allemands en districts et en communes. Mais les Bavarois, dans leur immense sagesse, ont ajouté à ces divisions administratives un autre système de division du territoire, celui des brasseries. En effet, en Bavière, toute ville de petite taille qui se respecte possède sa brasserie, et verra sa production largement écoulée dans les échoppes locales. Il suffira au touriste non-averti de se déplacer de quelques kilomètres pour se rendre compte qu’il a changé de territoire, en observant que l’on ne sert soudain plus le même breuvage trouble et doré. S’il n’arrive pas à percevoir les nuances de couleurs, ce qui est vrai demande un peu d’expérience du pays, les multiples enseignes et publicités l’aideront à se repérer. Il repérera néanmoins quelques répétitions : les bières de la métropole munichoise, qui se diffusent à plus large échelle (mais que l’on ne trouve plus beaucoup à Fribourg par exemple). N’ont-ils pas compris ces gens de la ville, que le divin nectar ne se transporte pas sans perdre de sa qualité ?

Et le touriste non-averti, n’a-t-il pas compris, qu’il n’est plus vraiment en Allemagne mais en Bavière ? Car la Bavière, ce n’est pas vraiment l’Allemagne.


Pour s’en convaincre, il suffit de tendre l’oreille. Quel est cet accent chantant, ces r qui roulent sur le palais, cette musicalité de la langue germanique qui ferait plaisir à n’importe quel aveyronnais profond ? C’est l’accent bavarois bien sûr !

Et quelle est cette façon étrange de se saluer ? Grüss Gott (prononcer en roulant le r s’il te plaît cher lecteur, si tu veux faire typique), Servus ! Où sont passés les Guten Tag et autres Hallo ? Ils sont là, cachés dans le ventre de la métropole munichoise, mais ils ont rude concurrence. Et pourquoi la serveuse me dit Merci en roulant le r? Elle a sans doute repéré que j’étais français me diras-tu cher lecteur, mais pourquoi le dit-elle à d’autres alors ?

C’est que le Bavarois, le vrai, ne parle pas vraiment allemand, il parle bavarois. Si on en trouve peu de traces à Munich, si ce n’est une pointe d’accent et les saluts traditionnels, il en va autrement en Bavière rurale. Là, on oblige les enfants à l’école à se débarrasser de leur dialecte. Là, quand on tourne un film et qu’on le sort en DVD, comme il a eu du succès dans toute l’Allemagne, on rajoute quand même des sous-titres allemands au cas où. Ca n’est pas inutile au spectateur distrait qui a oublié malgré son précédent long séjour bavarois qu’il ne comprenait pas tout.



A quoi finalement peut-on reconnaître un Bavarois, te demandes-tu sûrement cher lecteur, et quand bien même tu ne te le demanderais pas, tu te doutes bien que je m’en vais te le dire…

Peut-on reconnaître un Bavarois à son vote chronique pour la très catholique et très traditionnelle CSU ? Peut-être, mais le vote en Bavière est secret.

Peut-on le reconnaître à sa fréquentation assidue de l’église, où l’on voit toujours un nombre important de personnes (comparé par exemple à nos églises françaises) prier ? Peut-être, mais si tout Bavarois qui se respecte est catholique, tout catholique n’est pas Bavarois.

Peut-on le reconnaître à son maillot du FC Bayern ? S’il est vrai qu’à Munich, plus de petits portent le maillot de Ribéry qu’ailleurs, le FC Bayern est bien une des choses bavaroises la mieux partagée en Allemagne. (Pour la CSU, c’est moins clair par exemple).

Peut-on le reconnaître à la bière qui l’accompagne souvent ? Voilà bien autre chose bavaroise qui est partagée en Allemagne (pour la CSU c’est moins clair). Il faudrait être un fin expert pour reconnaître le Bavarois au trouble et aux reflets si particuliers de son breuvage.

Peut-on le reconnaître à son accent et son dialecte? Nous approchons du but. Mais hélas, l’accent bavarois fait beaucoup rire les Non-bavarois. Si bien qu’il est copié, imité (mais bien sur jamais égalé). On trouve par exemple sur Youtube toute une série de scènes de films hollywoodiens redoublés en bavarois, sans doute par des non-bavarois à en croire l’imperfection de l’accent. Là encore, il faut être déjà expert de la chose bavaroise pour ne pas se tromper.

 

 

Le seul moyen sûr à 100% de reconnaître un Bavarois, c’est que c’est le seul être humain à oser porter un costume traditionnel bavarois dans la rue. Le Bavarois aime à s’affubler d’un chapeau, d’où pendouille une sorte de plumeau, ou bien deux petites boules de feutre. Sans doute un symbole de sa virilité perdue me disais-je lors de mon premier séjour bavarois, en voyant l’âge avancé de tels porteurs de chapeaux. Pourtant, force est de constater que le costume traditionnel (qui se compose aussi du pantalon en cuir à bretelles bien connus) est de retour en force, et que même le jeune Bavarois ne rechigne pas à le porter de temps en temps. 

Sur ce, et en m’excusant platement d’avoir une fois de plus offensé le peuple allemand (pardon…bavarois), je te salue cher lecteur.

Wiedershauen !


P.S: Toutes les images qui ont ravi tes mirettes sur cette page sont toutes made in Bayern. La première est une inscription du château de Hohenschwangau qui veut dire à peu près: "Au boire et au manger, Dieu ne devrait pas t'oublier". Les peintures "naturalistes" bavaroises sont celles qui décoraient les murs de l'auberge de jeunesse de Munich. Enfin, le Bavarois en chair et en os semble certes être un guide. Je te prie pourtant de me croire sur parole quand j'affirme qu'un tel accoutrement n'est pas seulement fait pour plaire aux touristes. Par exemple lorsqu'il est porté par des jeunes en soirée dans les rues munichoises ou par toute une famille en visite aux châteaux (avec appareil photo numérique et arrêt obligé à la boutique de souvenirs...)

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