Energie


Fribourg est le coin le plus ensoleillé d'Allemagne me disaient avec fierté les élèves de 10° A vantant la vie agréable de leur région.

Après quelques recherches sommaires, je ne peux leur donner tort, cher lecteur, et même si la grisaille continue de ces derniers jours fait douter mon cœur, ma raison sait qu'ils étaient dans le vrai.

Voilà une des explications possibles pour la si forte présence d'installations d'énergie solaire à Fribourg et dans sa région.

Mais les conditions naturelles ne font pas tout, et si les énergies renouvelables, en particulier l'énergie solaire, sont si développées, cela tient aussi et avant tout à des décisions politiques et économiques, auxquelles les citoyens participent.

C'est une dimension centrale trop souvent oubliée du concept, souvent médiatiquement simplifié, de développement durable que la participation des citoyens aux décisions d'avenir. Une leçon en la matière peut être donnée par les habitants de Fribourg et sa région.

En effet, dans les années 70, héritiers des revendications de démocratisation du mouvement de 1968, ils se sont massivement opposés à un projet étatique de construction d'une centrale nucléaire dans leur région. Ce mouvement très suivi, sous l'appellation « Atomkraft Nein Danke ! » (Nucléaire non merci !), a finalement réussi, et aucune centrale nucléaire n'existe dans le sud du Bade-Wurtemberg. Les citoyens ont donc eu raison du pouvoir. Mais leur opposition ne fut pas qu'un refus conservateur et frileux d'un quelconque progrès, comme on caricature souvent les mouvements écologistes. Une vraie série de propositions fut faite pour néanmoins se fournir en énergie, dont les besoins augmentaient malgré tout. Il fut donc décidé par les pouvoirs locaux, en accord et avec la participation des citoyens, dès les années 70 de développer les énergies renouvelables.

Sur le plan de l'énergie solaire, on a alors fondé des sociétés d'actionnaires, dans lesquelles les citoyens étaient impliqués, afin de rassembler les fonds nécessaires à de telles installations. La municipalité de Fribourg a elle aussi investi et mis à disposition des surfaces publiques, sur le toit des bâtiments publics, sur les immeubles de la gare ou sur l'avancée couvrant le périphérique fribourgeois comme tu le vois ici cher lecteur. Des dizaines d'installations solaires, gourmandes en surface, ont pu ainsi voir le jour.


Une des plus grandes installations solaire de la ville: celle du grand stade municipal où joue le SC Freiburg, le bien nommé (tu vas voir pourquoi ci dessous cher lecteur) Badenova Stadion.


Peu à peu, et sans doute par le biais d'incitations fiscales, les propriétaires privés se sont aussi mis à installer des panneaux solaires sur leurs toits. Les nouveaux immeubles des lotissements « écologiques » des quartiers récents de Vauban et Rieselfeld ont aussi leurs panneaux solaires.
















On trouve même des camping-cars solaires !





Beaucoup d'agriculteurs se sont également mis à cette technologie, avec l'avantage que leur procurent les vastes toits de leurs fermes. Si l'investissement de départ reste élevé, il en résulte toujours à moyen terme une diminution des coûts de production (ici des coûts énergétiques) et donc une véritable viabilité économique.
Les agriculteurs profitent aussi d'une autre de leurs ressources, à savoir les déjections de leurs troupeaux. Ainsi, beaucoup de fermes sont également équipées d'installation produisant de l'énergie grâce à la biomasse.
Car l'effort ne se porte pas que sur le solaire, même si Fribourg se veut capitale mondiale de cette énergie propre. On trouve par exemple une forte concentration de centres d'études et de recherches solaires, dont certains font référence sur le plan national.
Mais on développe donc aussi la biomasse, l'énergie éolienne, avec de nombreuses installations sur les moyennes montagnes entourant la ville, sans oublier l'énergie hydraulique. On pense les nouveaux bâtiments de façon durable, comme les immeubles de Vauban, ou l'hôtel Victoria dans le quartier de la gare, premier hôtel en Allemagne à se prévaloir du titre de bâtiment à émission nulle de CO₂.
La compagnie d'électricité locale, la Badenova (il faut te dire cher lecteur, que le secteur de l'énergie est déjà depuis longtemps privatisé en Allemagne), peut ainsi se permettre d'offrir à ses clients depuis cette année 2008, une électricité garantie sans aucune source nucléaire, et produite dans la région. Elle propose un forfait de base dans lequel 25% de l'électricité provient de sources d'énergie renouvelable. Pour les clients encore plus citoyens, elle propose un forfait dont 100% de l'électricité provient de sources renouvelables ! Le kilowattheure coûte alors seulement 1,8 cent brut de plus, et une partie de ce surcoût est réinvestie dans de nouveaux projets d'installations « propres », notamment par l'intermédiaire d'un fonds régional dédié à cette mission.


L'énergie « propre » prend donc une place de plus en plus importante dans l'approvisionnement local. C'est ce que veut souligner ce graphique peu scientifique qu'on trouve dans le dépliant promotionnel de Badenova.
Mais tout va-t-il pour le mieux dans le meilleur des mondes durable ? Ne va pas croire cher lecteur, que j'essaye de me faire le serviteur zélé prosélyte d'une quelconque municipalité ou d'une quelconque société commerciale. (T'ai-je déjà signalé d'ailleurs que le maire de Fribourg est un Vert, Dieter Salomon, le premier maire Vert d'une grande ville allemande ?).
Il y aurait en effet quelques nuances à apporter. Ainsi, le forfait « propre » de Badenova est selon les propres chiffres de la firme adopté par seulement un peu plus de 11 000 clients. Peu pour une ville de plus de 200 000 habitants, mais déjà pas mal me diras-tu cher lecteur.
D'accord, mais pour les autres, d'où viennent les 75 % restants d'électricité s'ils ne proviennent ni du nucléaire, ni d'énergies renouvelables ? Tout simplement de bonnes vieilles centrales à charbon, qui si elles ont fait de nets progrès technologiques, n'en restent pas moins très génératrices de gaz à effet de serre.
Autre chiffre : en 2006, c'est en fait seulement 0,8% des besoins de la ville qui étaient couverts par des énergies renouvelables.
Certes, la région de Fribourg est le coin le plus ensoleillé d'Allemagne. Mais si on compare, cela correspond en fait à peu près à l'ensoleillement du Nord-Pas-de-Calais ! (source : un article de Libération) Voilà de quoi nuancer la piteuse image météorologique de nos Chtis, tout comme de quoi nuancer la réputation de cieux cléments de Fribourg.
En tout les cas, malgré toutes les nuances qu'on peut apporter, on ne peut que regarder d'un bon œil le fond de l'affaire, les orientations de long-terme qui sont prises, l'implication citoyenne. De même que la transposition de ces choix à l'école, sur laquelle tu en apprendras un peu plus ici d'ici peu cher lecteur.
En attendant, je te souhaite une journée ensoleillée si tu en as plus l'occasion que moi.

Bis später !

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